1. En 1903, un journal financier écrivait à propos de la Banque d’Athènes qu’elle avait créé un nouvel environnement bancaire « fort apparenté à celui de l’Europe contemporaine, qui évoque fortement le libertaire, le fluide, le malléable, le ferment situationnel ». Cette description du nouvel esprit du début du 20ème siècle, et bien qu’elle se réfère à l’univers prosaïque de l’esprit d’une entreprise de crédit, est toutefois suffisamment artistique que pour donner l’idée de cette exposition: comment pourrait-on la traiter aujourd’hui, dans un environnement contemporain, la détachant de son cadre historique et la transposant/l’expérimentant dans le champ de l’organisation d’un événement artistique, mettant en confrontation critique le signifiant de la phrase avec les signifiés des mots.
2. Les circonstances actuelles, c’est la crise: la bulle de la croissance économique irréfléchie des deux dernières décennies du 20ème siècle a éclaté, la fin de l’histoire a été transposée dans un temps futur et la crise a étreint la vie entière des hommes provoquant une incertitude qui les mine. Le marché dans son ensemble, le marché de l’art en particulier, s’est effondré et a entraîné avec lui l’art brillant et surévalué qui reflétait cette situation sociale.
3. D’autre part, face à ces circonstances, le renouvellement et le changement de l’action, la restructuration des orientations, des évaluations, la révision des pratiques sont nécessaires: quoi de plus approprié qu’un esprit en fermentation, qui constamment assimile, s’adapte et, dès lors, se modifie et réagit au changement des circonstances. Cette réaction est soit d’adaptation, soit d’intervention. Ou encore elle peut être adaptable afin de devenir interventionnelle. Simultanément, la « fermentation », selon la seconde étymologie du mot, signifie un procédé de maturation et d’accomplissement.
4. Le titre préfigure une exposition hors des sentiers battus, différente, afin d’établir une correspondance entre la matière et la manière. En développant davantage ce raisonnement, « l’esprit en fermentation » n’est pas uniquement l’objet de l’exposition, mais aussi l’inverse: l’exposition elle-même est son objet.
5. Nous tentons un élargissement du spectre: l’unité de l’exposition n’est pas l’œuvre d’art, mais « l’objet esthétique ».
6. Il s’agit d’objets face auxquels nous réagissons et que nous décrivons en termes esthétiques. Hormis le paysage naturel, qui s’intègre facilement dans cette catégorie, il existe une catégorie entière de l’activité humaine (habillement, décoration, mobilier etc.) où l’esthétique et le goût jouent un rôle considérable.
7. « La catégorie des objets esthétiques est une classe « ouverte », une famille toujours en extension (...) et la notion d’ « objet esthétique » une notion « ouverte », qui signifie que nous ne pouvons jamais déterminer toutes les conditions qualitatives requises pour l’intégration d’une nouvelle entité. »1